Le tableau / La série
Si mon travail de peinture est sériel ce n’est peut-être pas par manque d’imagination ? Faire, défaire, refaire un tableau qui, par son format, sa technique, sa représentation « ressemble » à celui que je viens d’achever pourrait laisser penser qu’il s’agit d’une paresse intellectuelle. Dans ce cas un grand nombre de « grands peintres » souffriraient ou auraient souffert de ce mal. Monet avec ses « Nymphéas », Cézanne et la « Sainte Victoire », ou plus récemment les artistes du mouvement « support/surface » tel que Claude Viallat avec son motif répétitif. Mais la paresse n’a que peut de place dans le monde de l’art, il faut donc aller chercher ailleurs. En fait, le motif, qu’il soit portrait, nature morte ou paysage est le plus souvent un prétexte, un moyen d’exprimer les « émotions » que le motif choisi révèle à l’artiste. L’émotion est de l’ordre de l’impalpable, de l’insaisissable et donc, la matérialiser, lui donner corps se révèle être une mission presque impossible. Le peintre s’y acharne pourtant et si une seconde au moins il ressent cette émotion durant son acte, alors assurément il la fera passer aux spectateurs à travers son motif.
La multiplication des représentations peut également découler d’une volonté de démystification. Le Pop Art et son pape Andy Warhol ont fabriqué une multitude d’exemples d’icônes démystifiées, qu’elles soient physique en la personne de Maryline Monroe ou Elvis Presley ou matériel tel que la chaise électrique ou une conserve de soupe Campbell à la tomate.
D’autres raisons peuvent pousser un artistique à multiplier ou plutôt décliner un motif. En littérature, Raymond Queneau et Georges Perec pouvaient avec l’Oulipo décliner un point de vu par l’élaboration d’exercices de style.
Dans ma série « chambre noire avec vue » l’influence de ce mouvement littéraire se ressent. Entre mathématique et poétique, tel les hémisphères gauche et droit du cerveau humain, la série se décline autour du chiffre 6. La référence à la chambre photographique et son négatif 6x6 en est le point de départ. 6x6=36, voici les dimensions de chaque peinture de la série qui comprend 6 éléments. Lors de mes accrochages, 6 centimètres sont mesurés entre chacun des tableaux.
Là aussi il s’agit d’un acte de démystification car lorsqu’un élément de la série est vendu, un autre vient le remplacer. La série se régénère, se transforme à chaque présentation alors qu’au fil du temps ses éléments constitutifs originels ont disparu.
J’avoue ne pas réellement croire en la notion de « chef d’oeuvre » et être beaucoup plus sensible à l’oeuvre d’un artiste. Au tout plutôt qu’à l’élément qui constitue ce tout.
Alors toi aussi, si tu souhaites multiplier les points de vu et suivre la série, clique sur ce lien :